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L’édito de Vincent Lorphelin pour l’agence Plateforme, sur l’utilité.

La manière dont nous mesurons l’économie a une influence décisive sur sa gestion et sa régulation.
Mesurer le temps de travail aboutit au smic et à l’âge légal de la retraite. Mesurer la rentabilité aboutit à l’augmentation de l’épargne et à la circulation des capitaux. Mais nous ignorons ce que nous ne mesurons pas, ou mal : les effets positifs du dévouement d’une infirmière ou d’une dynamique collective ; les effets négatifs de l’obsolescence programmée ou de la bureaucratie.
Or de nouvelles métriques s’invitent massivement dans l’économie. La qualité des contributions dans Amazon est mesurée par la question : « ce commentaire vous a-t-il été utile ? ». Des algorithmes calculent l’utilité grâce aux clics des internautes. Ceci permet à TripAdvisor de classer les hôtels ou à Expedia d’ajuster le prix d’un billet d’avion en temps réel pour chaque client. Netflix établit une liste de films pour chaque téléspectateur. Vente-privée effectue des recommandations individuelles. Le magazine Forbes rémunère ses journalistes en fonction de la fidélité de leurs lecteurs. Quirky rétribue des milliers de co-créateurs en analysant les traces de leurs contributions. La SNCF propose sa base d’horaires « à toutes fins utiles » à ceux qui en inventeront de nouveaux usages, comme Mappy pour ses cartes.
De proche en proche, l’utilité ajoutée de chaque contribution et les effets utiles de chaque produit final ou intermédiaire finiront par se mesurer. Les prismes du travail et du capital ont structuré la politique pendant deux siècles. Celui de l’utilité réinvente aujourd’hui notre modèle économique pour en dépasser les limites.